Jean Constant Demaison & l’oratoire Notre-Dame des Champs (Thairy)

Jean Constant Demaison & l’oratoire Notre-Dame des Champs (Thairy)

En passant sur les hauts de Thairy, le temps d’une promenade dominicale ou d’un parcours sportif, vous avez sans doute remarqué ce petit oratoire, sur la gauche juste en arrivant au sommet du chemin du Laconnex. Combien d’entre vous connaissent l’histoire de ce monument ? Et combien savent à qui nous devons cette remarquable sculpture de la vierge à l’enfant que l’on ne peut vraiment apprécier qu’en prenant le temps de s’y arrêter. En effet, cette Vierge ne regarde pas les passants, son visage est tourné en contre bas, vers les habitants du hameau auxquels elle semble accorder toute sa bienveillance. C’est à Jean Constant Demaison que nous devons ce petit chef d’œuvre. Un sculpteur haut savoyard, atypique et attachant, qui a côtoyé les plus grands artistes du 20ème siècle et qui nous a légué un patrimoine d’une grande richesse. 

Dans un premier temps, retraçons l’histoire de cet oratoire, qui a déjà fait l’objet d’un court article publié sur notre site lorsque des bénévoles de l’association Le Thairoyr ont décidé de lui redonner, en été 2021, tout son lustre d’antan.

En 1962, au lendemain de la guerre d’Algérie, l’abbé Vincent Félix, alors curé de la paroisse (1956-1964), fait édifier cet oratoire avec l’aide des habitants de Thairy. Tous les jeunes du village appelés à servir sous les drapeaux ont été épargnés par cette terrible tragédie et sont de retour. L’oratoire est ainsi le remerciement des habitants des hameaux à la Vierge qui a protégé tous les jeunes appelés. 

Ce rappel étant fait, penchons-nous sur Jean Constant Demaison ainsi que sur son œuvre, importante et souvent méconnue, même dans sa Haute-Savoie natale. C’est en effet à Rossy tout près de Choisy qu’il est né et c’est là qu’il demeure jusqu’à la fin de ses jours. Très vite, l’enfant montre des dispositions exceptionnelles pour la peinture mais surtout pour la sculpture: « c’est un don. On n’apprend pas. C’est donné ! On n’y est pour rien. Le seul mérite c’est de travailler. Ça démange, c’est un tourment… Ma mère était admirable, elle m’appelait pour manger, je ne répondais pas ou alors je venais à table avec ma sculpture…».

Très vite la notoriété du petit Jean Constant s’étend bien au-delà de Rossy. Après son certificat d’étude, il ne cesse d’honorer des commandes venues de toute la Haute Savoie et de bien plus loin par la suite, presque toutes exclusivement dans le domaine de l’art sacré. Le bois est son support de prédilection mais nous gardons de lui de nombreuses sculptures en pierre, dont cette Vierge à l’enfant de l’oratoire de Thairy.

L’un des traits les plus frappants de la personnalité de cet artiste est sa façon de travailler : « à partir de l’évangile, je lis un texte et je crée l’image dessus… Il ne faut rien m’imposer, je veux être entièrement libre. Une œuvre religieuse n’a pas pour seul but de représenter une image matérielle, elle doit posséder une âme, refléter une pensée. L’art sacré est le précieux auxiliaire de l’église, il est là pour compléter par l’image ses enseignements. C’est un peu une prédication perpétuelle »

Au plateau d’Assy, pour l’église Notre-Dame-De-Toute-Grâce et à la demande de l’architecte Maurice Novarina, Jean Constant Demaison sculpte sur place les huit bras de force de la charpente dans du chêne de Hongrie : les prophètes Moïse et Isaïe, les 4 évangélistes (Luc, Mathieu, Marc et Jean) et deux docteurs de l’église catholique, Saint Bernard de Clairvaux et Irénée de Lyon. L’église est ainsi portée, au sens propre comme au sens figuré, par l’Ecriture et la Tradition. Cette œuvre mondialement connue côtoie celles de Léger, Rouault, Matisse, Chagall, Braque, Jean Lurçat, Germaine Richier, Paul Cosandier, Paul Berçot…

La Cène à La Clusaz

Outre l’incontournable visite de Notre-Dame-De-Toute-Grâce, d’autres églises nous permettent de mieux connaître son œuvre : l’ensemble du mobilier de l’église de l’Assomption à Cercier, les Chemins de croix de St Joseph à Annemasse, Notre Dame de Liesse à Annecy, Notre Dame des Alpes au Fayet, la Cène de l’église de la Clusaz, l’autel et le crucifix de Saint-Pierre à Gaillard, et puis – et surtout – ce qu’il a toujours considéré comme son chef d’œuvre, La Vierge de Saint-Germain de Joux.

L’artiste a toujours souhaité que ses œuvres ne soient jamais commercialisées et restent accessibles au public.

Poète, peintre, musicien et sculpteur, Jean Constant Demaison ne s’est jamais marié. « J’ai épousé, l’art, il n’y avait pas de place pour une deuxième passion dans ma vie ».  Sauf peut-être pour sa mère dont il s’occupera jusqu’à son dernier souffle. « On ne sait pas pourquoi on aime un peu, profondément ou pas du tout. Moi, ma mère, c’était une grande joie de l’avoir auprès de moi. J’ai eu la satisfaction de tenir la promesse que je lui avais faite, de ne jamais la laisser partir à l’hôpital »

Dans les toutes dernières années de sa vie, n’ayant plus les ressources physiques pour continuer à frapper le bois ou la pierre, il pose les ciseaux. Il se tourne alors vers une vie contemplative où son jardin tient une grande place, malgré son incapacité à le travailler. « Plus on réfléchit, plus on entre dans un certain néant. C’est pour cela que mon jardin est suffisant. Ce qui me fera le plus plaisir c’est de voir fleurir mes iris, ma fleur préférée ; c’est mon prochain rendez-vous. Autrement, je ne désire rien. Je suis en attente de voir la beauté de mes fleurs ».  Jean Constant Demaison s’éteint le 1er septembre 1999 à Seynod à l’âge de 88 ans.

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